(DOWNLOAD) "Physiologie de l'amour moderne" by Paul Bourget * Book PDF Kindle ePub Free
eBook details
- Title: Physiologie de l'amour moderne
- Author : Paul Bourget
- Release Date : January 07, 2020
- Genre: Psychology,Books,Health, Mind & Body,Nonfiction,Social Science,Sociology,
- Pages : * pages
- Size : 1052 KB
Description
J'avais dit beaucoup de mal de Colette dans la journée,—ce qui ne m'avait ni changé ni soulagé. Je rentrai mécontent de moi, comme un homme qui s'est abaissé à commettre l'action qu'il blâmerait le plus chez un autre, et malade d'elle comme je ne l'avais jamais été. Ces fins d'après-midi de février, avec leurs brumes aigres et cruelles, vous pincent les nerfs à vous les casser. Mon domestique alluma la lampe. Je m'assis au coin du feu dans mon «souffroir» de la rue de Varenne, qui fut autrefois mon «aimoir». Des baisers de cet autrefois me revinrent, un autrefois d'il y a pourtant deux ans, grande meretricii oevi spatium, eût dit le père Aubert, mon vieux maître de rhétorique.—Je sentis une amertume infinie noyer mon cœur, et, comme d'habitude, je me raisonnai:
—«Hé quoi! Claude Larcher, mon ami, tu souffres, et tu l'as quittée! Oui, c'est toi qui l'as quittée, et tu possèdes là, dans un tiroir à la portée de ton bras, des lettres où elle te supplie de revenir et auxquelles tu as répondu, comme il sied, par du persiflage. Ton imbécile amour-propre d'homme doit être satisfait, que diable!... Elle est bien jolie avec ses cheveux cendrés, ses yeux couleur d'eau et sa bouche à la Botticelli. Mais n'a-t-elle pas prostitué cette beauté à tous tes désirs? Y a-t-il une place de ce corps, si jeune et si frais, que tu n'aies profanée dans des heures de délire? Donc, avec cette femme, pas de recherche d'une sensation nouvelle. Quant à son cœur, c'est par horreur de lui que tu l'as quittée, ayant éprouvé qu'il n'en est pas de plus perfide, de plus gangrené par les vices de son métier de comédienne en vogue, de plus incapable d'aimer. Pourquoi donc, pensant tout cela, éprouves-tu cette brûlure affreuse à la seule idée de son existence, là, sous le sein gauche? Pourquoi cette étreinte de ton cerveau par ce souvenir que tout rappelle: une nuance du ciel, un mot entendu, un coin de rue tourné, un camarade rencontré? Pourquoi surtout ce cuisant et monstrueux désir de lui faire du mal?... Ah! si je pouvais aller jusqu'à l'extrémité de ce désir!...»
Je fermai les yeux. Je vis devant moi ce corps dont je connais chaque ligne, ces épaules pleines à la fois et minces, cette gorge souple, ces hanches sveltes, toute sa nudité, et moi, avec un couteau, déchirant cette chair, ensanglantant ces membres, et leur frémissement sous la pointe de l'acier,—et sa douleur.... Non, je ne ferai jamais cela, parce que chez moi, civilisé de décadence, l'action ne sera jamais la sœur du désir.... Dieu juste! que je l'ai rêvé de fois, et rien que de le rêver me soulage.—Ah! la hideuse chose!